mercredi 30 décembre 2015

DT650, TP488 & AF6223 - 30 décembre : j’ai prié les cargos de la nuit

vous étiez bien, 
vous jouissiez fort ? 
là n'est pas le problème

De sa guerre contre le capitaine crochet et le crocodile, on n'avait retenu que la victoire. Mais il en était sorti marqué. Mélancolie ou syndrome du Golfe, une ride s'était dessinée ce jour-là dont personne n'a jamais eu cure.
Elle continua de grandir un temps. 
Puis advint le jour où Peter Pan mourut...


La mort, et pire encore : la même que tout le monde ! Un modèle simple fait d'autophagie, nécrose, apoptose... Voilà ton âge adulte, à défaut des idées, du projet de vie. La vraie échéance, enfin !

Histoire de n'en rien perdre, on fit bombance de jolis restes. Organisâmes un déjeuner sur la bête avec l'assemblée des fous. L'un croquant la cuisse, l'autre dévorant les joues, les oreilles... Délicieuse viande jeune, toujours fraîche, éternellement sanguinolente, arrosée d'un raki formidable : le bonheur ? Un état proche. Un festival d'endorphines.

Pour couronner ça nous fîmes une boum véritable, musique à fond, mousse au chocolat de maman, la bombe de cotillons qu'il faut et même une pêche de cadeaux. Mon amoureuse était des invités, mais pas bien contente, ça non, de me voir moitié nu, courant partout comme un chien fou. Ivre, de surcroît. C'est alors qu'elle m'a grondé, délice d'enfantillage, ultime écho de valeurs depuis longtemps perdues. Dernier retour à quelque chose de l'enfant qu'on avait dévoré ce jour...


Ni dou, ni dou 
L'instant d'avant c'était New-York. Non, Mexico. Paris ? L'instant d'avant là, derrière, n'est plus, sinon qu'un petit carré de réalité que reflète le rétroviseur. Éteignons ce reflet. Filons plein moteur - en avant toute : FULL AHEAD ! Partout autour ce n'est que brouillard, brouillard et nuit du nouveau présent. 
L'instant d'avant, ce petit disque de laiton ne voulait rien entendre. Pile, pile, pile et pile encore, faisait-il. A chaque lancer la pièce, se refusant à tout sauvetage, retombait à l'identique : pile encore!

Encore. Et encore.
Treize fois je lançais pile. 

Face, c'est Dou. C'est rester. Dire les mots. Mais pile encore et encore, une fois pile encore, quelle absurde pièce est-ce là ? La nuit approchant, le zinc maculé de traces d'impact, la main douloureuse, vint l'heure du dernier essai.
Je la tapotais au coin du comptoir. Soufflais très délicatement dessus. Ultime lancer, meilleure tentative. Vole, petite !
La pièce s'éleva en virevoltant avec un léger sifflement. Tournoya... Tournoie encore, et toujours siffle : des heures, des jours je restais là, à la contempler. Le maudit fuckin' bout de métal ayant trouvé quel non sens donner à la vie, assuré d'avoir tort face à l'académie des sciences est resté ainsi, suspendu en l'air. Ses reflets intermittents semble me narguer, envoient un éclat impossible.


L'avion allait pour partir, alors je les ai laissées là - la pièce, la femme, la réalité. Le réel empoisonnée par ce miracle tourne désormais à sa suite. Plus rien de droit, ni perspective ou mur ou chaise, rien de stable où poser le regard, s'appuyer, jeter le coin d'une fesse.
Dou et Dou sont restés là, indissociables du mal aimé. Et restent là, quoi que le temps érode, intacts, unis. Avec la distance leur unité ne fait plus défaut, ils sont ce point central du corps, noir et net dans le brouillard qui nous confond.

Indolence et neurasthénie sont en bateau
Échouer à terre ou échouer en mer, finalement, c'est toujours échouer. Mais échouer c'est aussi atteindre un rivage. Achever la dérive. Cesser la petite histoire détricotée, ce balancement de vagues et d'invariété.

Comme les membres lors du coït, les lignes se croisent. De l'enchevêtrement des corps, de nos plaisirs en attente, de nos plaisirs en allés, ne subsiste plus rien qu'un état de confusion absurde. Il n'est rien qui y échappe. jusqu'au désir, jusqu'au plaisir se voient confondus par cette onde surmarine. On a pourtant rien fait de mal, que croire et laisser croire. Penser, imaginer. Pure projection. Manque de clarté ?

N’ayant plus rien à perdre ni Dieu en qui croire
Afin qu’ils me rendent mes amours dérisoires

Et je garde cette espérance d’un désastre
Aérien qui me ramènerait Melody
Mineure détournée de l’attraction des astres.

Prières et pensées, mal carénés pour cette tempête, ont bientôt échoué comme le reste. Que faire ? Tous présents confondus, les gestes du quotidien s'amoncellent en désordre. Sombrer dans une délicieuse indolence ?
Là, privé de variété, l'esprit ne s'invente plus. La mémoire n'est plus peuplée que de routine. Faire laver mon linge. Porter le sac en laverie. Ne l'ai-je pas fait hier ? Ou étais-ce il y a déjà une semaine ? Même couloirs, même porte, l'espace vient à manquer. Le moindre geste atypique surprend l'intimité de nos routines, mettant soudain à nu la formidable atonie du quotidien. J'arrête vivement le geste déplacé, ce risque de retour au réel. Les gestes routiniers sont notre sauvegarde. Nos derniers réflexes. Il n'y a qu'eux ! Derrière eux, se cacher. Disparaître au présent.


Collision du divin enfant
A ce compte, même préparé, le retour au réel est une drôle de blague.
Dans la pièce où j'entrais des humains se trouvaient réunis. Chacun avec son petit baluchon de joies et surprises, avec sa liste au père noël. Ce soir là tous les pieds coïncidaient sous toutes les tables. Des humains parlaient en bougeant les lèvres. Ouvraient des bouteilles de Haut-Médoc. Hommes, femmes, enfants, gens de toutes sortes. Mains variées, locutions engageantes. Ici tout est coloré, chatoyant, les questions fusent, tarabiscotage de percepts !
L'encéphale en saturations ne perçoit plus que le battement de la grappa contre les lobes temporaux. Comme les circuits reconnectent un immense vide se fait. Vacuité du récit, propos à terre : il n'y a pas grand chose à dire. Juste ce grand rien, si difficile à exprimer. Envolons les bouchons, buvons à la vie renouvelée !
Ainsi à chaque retour du grand néant convient-il de se ré-agréger, dans le désordre qu'il faut. Tout un truc, tout à trac. La femme et l'homme, je ne sais pas. La femme sans l'homme, je ne sais pas. Ni l'un, ni l'autre, certainement. La solitude réinventée.

C'est seulement récemment que j'ai repensé à la pièce. Je pense souvent à elle désormais. Sa nature pile et face. N'ayant plus de pièce à lancer, je choisis de tomber sur le flanc, rien que le flanc, voilà. Plus bouger.

L'été est fini. Maintenant c'est l'hiver
et tu n'as pas eu les couilles d'affronter le froid.

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