jeudi 15 janvier 2015

BA76/BA334 - 15 janvier : long cours changement

C'est ainsi fait que tout commence, tout termine.
Alors, même si tu découds décolle arrache toutes les pages, il reste toujours la couverture. Le début. Et la fin.
Le reste importe peu : du papier, de l'encre, la vie, la mort.
Le reste, c'est ce petit bouillon d'histoire qui flotte entre les deux, rempli d'un alphabet dont seuls les enfants croient encore qu'il compose un récit. Le bouillon refroidit en fumant, berçant certains, réveillant d'autres, alors que l'histoire partie ailleurs, comme le temps : continue vraiment, loin du récit.


Que voit-on, dans ce temps suspendu, si on y regarde de plus près ? Rien. Que du bleu.
Encore plus près ? Toujours rien. Que du bleu. 
Ah... Si, là. Un tout petit zoo humain que vient visiter la maman des poissons, avec sa marmaille. Tout un lot de marins roses. Il semble qu'ils ont choisi d'y être, mais personne n'est trop sûr. Ne sont pas maltraités. Nourris par les embruns. Bercés par les vagues. Il y en même qui s'amusent. J'en vois un qui rit, on va bientôt le relâcher...
Le voilà révisant son examen de libération.
Comment est l'asphalte, déjà ? Bleu, liquide ? Noir, solide ?

Pour le moment il faut attendre. Attendre. Attendre. Encore.
Attendre que le bonhomme soit vermoulu à point. Que se perde tout rudiment d'humanité. Arrive ce moment où il ne parvient plus même à préparer un café. Un café ! Confondant eau et grain, bouton et voyant, oubliant un jour de lancer la machine, négligeant le lendemain jusqu'au filtre. Tout de même, il baisse, ce qu'il baisse, disent les autres... Il va finir par tomber.
Au bien vermoulu, à ce moment précis, ajouter une semaine en mer.
Juste alors que le sac était prêt, quand l'allant commence à poindre : pan ! Et laisser mijoter. Irascible, bientôt haineux : voilà notre champion. Plus jamais fatigué ! Plus jamais jamais ! Toute bonté à la moulinette, petit point rose deviendra fou. Alors le regard fatigué ne voit plus. Ne subsistent que masques hideux sur rictus déjà peu amènes. Plus mais. Plus plus.
récupérer la chiffe molle
torréfier à flamme directe
exprimer le jus noir des pensées
enfin. laisser reposer. voilà
puis verser sur l'asphalte, noir sur noir



Finalement rendu liquide, dissous-toi dans le grand bleu.
Voilà que s'écoule... La première longueur... En liberté !
A vélo la liberté semble plus fraîche encore.
C'est tout con un vélo : gauche – droite – gauche – droite, les pieds. Un seul pied tombe sur une seule pédale et voilà que la machine se lance. Tout con. Ca tourne ça roule ça glisse, et tout simplement, avance.
Voilà bientôt 111.2m parcourus sans obstacle, sans atteindre un bout, ni même basculer dans l'océan. Le retour, alors : est avéré. La balade continue. Denfert. Montparnasse. Rue de Rennes. Pont des arts. Montorgueil. Faubourg Saint-Denis. Parc Monceau. Sans arrêt ! L'étoile. Pigalle. Magenta. Bouger ainsi hors du zoo, c'est un régal.

Ce n'est alors que le premier d'une longue série de retours.
Déjà la franche rudesse du contact à la terre.
Déjà les pieds hésitent marchent mal l'équilibre n'est pas acquis et dans le léger balancement du réel transparaît l'incurable mal de terre.
Non, des nageoires ne pousseront pas. Le point rose continue d'être humain. Mais si d'aventure de chute en glissade, choc contact, rebondissement, commençait la transformation en l'un de ces marins foutraques, affreux camarades ? Déjà la peur, ce petit bouillon amer...


Cependant, entre le début et la fin, le temps passe.
Le temps apparaît soudain, faux plat bourré de poules idiotes caquetant à l'envie. Elles font je veux!, Je veux ! A vélo c'est coton, et pendant ce mois, dans ce pays, le thème des conspirations va de toutes les béances malodorantes à toutes les esgourdes, allant venant toujours encore. Faudrait être sous-marin pour y échapper.
Reprendre un ticket pour le zoo.
Ou vite boire et bien beaucoup. La céphalée bénie nous tirera de ces ornières !
Présumer de ses forces. Oublier les contingences.
Rien de tel. Bien passivé...

Ainsi passe-t-il. 
Quelques bouteilles. Quelques jours.
Après 2 bonnes semaines, des litres et 10 000 km, tout paraît enfin ralentir. Belle immobilité, voilà. Tout d'un coup un café, l'arrêt. La lumière fait comme un flash et tout autour la ville continue son galop. 
Dans cet ailleurs qui pourrait être n'importe quel autre, parfaitement n'importe où, encore poursuivi par les furieux gallinacés, hanté par le souvenir du zoo et la lumière qui change me voilà soudain rendu. Revenu. Fichu retour infiniment lent, si rapide !



Faux plat, croyait-on ?
Il y a bien quelque chose d'une nouvelle époque, comme un début.
Renouveau en dégringolade. A ce retour j'inaugurais le mode décorrélé qui fait question. Parlant en boucle d'ailleurs et d'autres, de bleu et d'horizon, horizon du cauchemar tellement toxique si lointain si prégnant, je réalise que la crainte, comme une ride, s'est dessinée à la lumière.
Comme le souffle les mots l'homme, l'année le pays, le pinacle ahuri des religions, nos corps pas moins ardents et la lumière, le calendrier tout de go commence un nouveau cycle.

___
L'habitude a tout réduit en deux gestes et deux mouvements dont elle ne cesse d'accélérer le rythme d'exécution. La répétition marque le pas, l'habitude orchestre, l'ennui mène. Je peux maintenant y aller les yeux fermés, les oreilles bouchées à l'émeri, pieds et poings liés. Je peux me laisser porter, tranquillement, sans même prendre la peine de m'apercevoir que je suis portée par quelque chose. Ta vie n'a pas besoin de toi pour se vivre.