lundi 14 avril 2014

AF253 - 14 avril : le vide même deviendrait objet

Pour l'aimer enfin... Mais je ne sais pas !
Le coup était si fort, si blanc le flash, tant perdu l'esprit de synthèse, de ce retour, de tous les autres...
Alors, la quitter, pour de bon ?
Tout oublier ?

 A cette occurrence, remplacé le corps, voici la machine : 60 kg de câbles, tuyaux, pompes, tôles et autres. Le syntoniseur de campagne, youloulou !, pas encore bien mobile mais très simple d'emploi : il n'y a qu'un bouton, et un seul voyant. Le reste est au-to-ma-ti-que !

Voyez, là : si ça clignote rouge, il faut repartir fissa, fuir sans délai.
Orange, euh, eh bien peut-être qu'il vaut mieux partir aussi, hein. C'est qu'une petite majorité des ondes sont déphasées, de spin opposé ou autre, bref, ya du boulot.
Et vert... Ah, le vert. Très jolie couleur ma foi, façon cœur malade de printemps, nuance un peu néo-indigestive... Il y avait une promo sur les loupiotes vert d'eau, vraiment, une affaire. Vert, eh bien voilà : Paris tout entière se met au vibrato. Chacun sent, qui un picotement au bout de la verge, qui un coup de chaud non mais c'est pas possible, qu'est-ce qu'il m'arrive?, je mouille ? Alors la musique de tous les postes, de tous les instruments, soudain coïncide.
Une note. Le retour. Ce serait joli, ça.


Mais ça n'arrive guère.
Perdu le corps. A toute force remplacer le corps.
Perdue la machine. Un bel échec, machine fumante, voyant noir.
Perdu dans le retour... Échec à revenir, à oublier, à quitter, même pour de faux.
Voilà que soudain réincarné, sautant pieds joints, salto avant, salto arrière, et sur le côté?, le sol de Paris est sous mes pattes.

Vieille machine. Recette périmée.
Passé l'usage, toute appétence évanouie, surgit le dilemme du toxicomane. Tu sais ce que tu aimes, mais tu ne sais plus quel amour. Paris est là, mal fagotée, un peu grise, allongée. Ville ouverte. Ville offerte ?
Seule alternative, l'avion continue sa ligne droite. Survole une plaine interminable. Une pampa à se tordre les doigts d'impatience, pendant que le panneau indicateur au-dessus de la porte insiste – 'JUMP !' - 'JUMP !' - 'JUMP !'. Tu ferais quoi, toi ? 


Idem de ces machins modernes.
Le plus efficace et définitif pour régler leur sort, les ré-azimuther, reste de les balancer violemment au sol et passer son chemin. Une alternative, moins ruineuse, tellement raisonnable, est dictée par injonction de l'écran : jump ? Non, lance ton bras en un 8 aérien, alors tout revient à la raison. A la maison ? Presque. Un peu comme l'abeille rentre à la ruche se laver les dents et changer de chemise, indiquant au passage la direction d'un butin inédit.
Alors, réduits au néant ou remis sur les rails d'un référencement égaré, l'homme, la machine, reprennent du service, le voyant fibrille, la ville continue...

Dans la vie à nos pieds, comme dans ces mille blocs de papier dérangés-tassés, plein de mots meilleurs et bons, la réponse grelotte de n'être pas cherchée. La passion est partout, ailleurs. La passion partout, est ailleurs !
Sur ta frimousse déçue passe comme un tremblement. Ou trépasse, d'un tremblement. Tu vibres, chérie ? Ou est-ce le sol qui envoie quelque signal avant coureur d'une vraie fracture du myocarde, d'un changement ? Un de ces grand Boum!, alors il ne restera plus rien, alors tout sera disparu. Couche-toi là, auprès de la ville ! Ferme ces yeux coupables. L'impatiente immobilité sera notre lot. La grâce reste ailleurs. 
 

Dans ce nouveau plus rien, continuer de s'ajouter. Un dessus, un dessous.
Ne rien faire serait condamner l'outil. Rendu à sa fonction d'inutile, encombrant, lourd entre les jambes, vain émetteur des ondes...
Pareillement inutiles les journées, ce retour, quand Paris devient simple substrat ou piste d'atterrissage, petit abreuvoir, lieu de cantine... Le quotidien n'est plus que succession de petites fuites joies simples jours mornes, lever manger dormir et repartir?, plus jamais loin !

Ainsi un jour. Ainsi un mois.
Se passer de soi et n'être plus rien, qu'un soi-même.
Combien de temps, combien de gens, et de bruit, passent ainsi, ignorants ? Alors que la cure, la clef évidente, reste l'immobilité !
Partition de l'immobilité tant crainte... L'écran d'alerte indique en boucle : fige-toi ou meurt. Efface tout ce poids, ré-aligne toi, prends une passion, tourne autour, merde ! MERDE tout majuscule...
Ce n'était à l'origine qu'un départ pour la blague, pour la claque. Puis quelques éternités ont passé comme ça, à chercher les mots qui valent, le chemin retour. Comme ici, là-bas et partout, tout n'est que dosage et posologie.
Ici ou ailleurs ? Au piège de l'immobilité lointaine et désincarnée, la notion d'ailleurs devint presque tangible. 
 

Puis ce furent courant fort, pays lointain.
Ce fut un jeudi, encore un, puis trois, et désormais un autre, qui t’auront tiré des flammes qui jaillissent de l’écran de ton computeur. Des sorties, et d’autres, qui t’auront baladé dans Paris que j’imaginais lumineuse et tiède comme un corps nu sur les draps froissés.

Cette ville à l'absence combien douloureuse alors que le courant porte à l’opposé, et que bon nageur dans mes rêves je laisse faire sans lutter, comme il faudrait toujours, dit-on en contemplant le cadavre gonflé de cet autre mec qui peut-être n’a pas lutté plus, mais reste bien mort cependant.

Travailler le souffle alors, ce qu’il convient, nager dans les piscines, les mers, les lacs, cumuler les apnées de 5h du mat’, totalement ivre, pour épater des poules pas mieux fraîches dans un grand bocal de liquide jaune vert qu’on s’est résigné comme piscine, dans ce bout d'Asie en ébullition.
Après l’apnée, et la boisson surtout, une vilaine fatigue nous affligeait, en tout cas me fatiguait, en poursuivant le voyage. Chaque douche était comme un coup de cloche le soir de nouvel an, alors à la douzième cette vilaine gangue a fendu, et voilà que tout léger je flottais et le voyage continua.


Mon cher ami parlait du passé composé comme on fouille un cadavre, délicatement et sans espoir. Un quelque chose de précaire toujours, ainsi qu'une joie souveraine à adopter un peu le pays, j'ai cru percevoir. J'ai vraiment cru.
 
C'était loin avant le désastre, d'ailleurs on se fera au principe de réalité : plus tard, passé minuit. Là il fait encore jour, après viendront les rêves : cet entre deux qui dérange, cet entre deux qui pose défi, on va le remplir de houblon, de ouiski, de lumières clignotantes, hello misteur, want massage lady boum boum ?

Puis à la nuit tombée, bénédiction d'une treizième douche et chemise fraîche, première bière et quelque espoir de candidatures d'un autre genre... Vous dansez mademoiselle ? 

En attendant j'aime autant le silence.
Rien ne me distingue.
On ira fouiller au passé la somme de toutes les petites modifications.
Se faire nous même, fêter vous m'aime...
Désormais je te vois. Et d'une certaine manière tu vois derrière mes yeux. Tu vois, également...

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Dans cette immense matière informe où glisse de tout son poids la chair, il y a des éclats d'âme comme des échardes qui çà et là cochent encore un peu de souffrance. Cette souffrance fugitive est la dernière trace de conscience.