lundi 28 septembre 2009

AF 1889 - 27 septembre : existe-t-il drame moins conséquent ?

Il y aurait voyage, et vraie vie.

La vie : ce petit laps de temps passé à digérer entre deux plateaux repas dans la cabine. Les galley du futurs viendront jusqu'à mon lit, quel lit?, jusqu'à mon pieu, jusqu'au brancard, bientôt en service même dedans la boîte en pin. Entre deux rots, la vie en l'air, le voyage?, dès que possible, dès qu'un spectacle, une attente, un rendez-vous prend l'embuscade en sérieux.

Ce dimanche c'est retour, la journée s'essaye à l'humour bancal. Ainsi, alors que bon, voilà, j'avance, là, cool, déterminé à poster une photo de l'inénarrable, hop : par le jeu complexe de modification des registres, d'un sourire et de l'alcool?, on me découvre une serviette blanche, et des couverts en dur ! Calamitum !
Mais encore.

Je me trouve dans les toilettes des arrivées du 2F. Sur le mur devant moi une mosaïque bariolée en jette de toutes les couleurs. C'est bath. Le détail échappe aux tentatives d'accommodation de l'œil. Le tout prend l'allure d'un splash orange* assez furieux. La-haut un haut-parleur nous rabat sa rengaine contre cigarettes, grippes et mauvais étiquetage. La poche de ma veste tente quelques aguichants Bzzzzz, sentant confusément la dernière ligne droite, et Paris, et les gens.
A la douane, cette femme, trop que je l'aime, fait tournoyer sont ulcère au plafond, se met à bitcher sévèrement dès que posée sur le sol national. Ah mais aussi, hein, quel scandale, quelle organisation, quel foutoir. Et ailleurs c'était mieux, elle me vole cette idée?, organisé, policé, esclavagisé, dévoué à notre bon service.

Douane passée, l'heure approche.

Le mec déjà tout tripotant papier, stylo, ahah, de qui, et d'où? ces pulsations sur le réseau ? Et c'est là que bim, fuite de papiers, grande envolée, dissolvation, dissolument. Sans certitude, l'identité de Les Gens s'égaye dans la nature,

offrez votre Vitale à un inconnu
liquide dispersé en homéothéose
(ces Lei, Yens, Kwanzas)
et la photo de Malo ?
plus d'assurance de plus rien
ni de permis de ni de véhicule
et grouille-toi d'aller aux ugc car ces billets ne sont valables : qu'une semaine !

Apothéose et fin de voyage. Course d'un agent. Sourire chanceux. En stop et en silence revoir consciencieusement la liste de fourage de ce petit matelas bleu, farewell, hop hop

C'est pas brillant
Papier d'argent
C'est pas donné
Papier-monnaie
Ou l'on en meurt
Papier à fleurs
Ou l'on s'en fout

Laissez parler
Les p'tits papiers
A l'occasion
Papier chiffon
Puissent-ils un soir
Papier buvard
Vous consoler

Laisser brûler
Les p'tits papiers
Papier de riz
Ou d'Arménie
Qu'un soir ils puissent
Papier maïs
Vous réchauffer

Bon. On reviendra s'y consoler à grand coups de papanache (clin d'œil ému aux gastronomes) ?
Submerger cette sombre affaire sous un épais manteau de crème et coulis de fruit rouge, chercher réconfort au fond du tube digestif, regarder la vie au travers d'un goulot de Palinka.

*Quel petits carreaux de couleur suis-je? Mon prochain serait vert, ou je ne sais pas, orange, quizas ?

vendredi 18 septembre 2009

AF 2889 - 17 septembre : violent day

Roumanie, 13h passées, l'AF 2889 opéré par TAROM commence son accélération, fjiououuu.
Luttant contre le sommeil, je regarde la piste défiler au hublot : piquet, vache, piquet, vache, piquet... Et bien que ce Boeing 737-300 doive manger 264 km/h avant de lever le nez l'impression de vitesse reste modeste. Puis soudain, comme souvent auparavant : je m'assoupis, légèrement, la carlingue vibre... Réveil en sursaut alors que l'avion vire sur l'aile, c'est follement inquiétant, mais en un instant d'absence déjà un millier de mètres sont passés dessous, on vole!

3h15 de trajet, en faisant bien attention à se laisser porter par le vacarme ambiant (qui m'a bizarrement toujours enfoncé plus avant dans le sommeil), et en ménageant dix minutes pour les pâtes au poivre, petits bouts de viande indéfinissable*, une boisson, hop : il doit être possible de dormir.
Avec le temps de roulage, connexion de passerelle incluse, presque 3h de bon sommeil inconfortable, à se bagarrer avec des vestiges d'une nuit sans fin... Battement des puissants marteaux de forge, musique house et éclairs du stroboscope, reflets bleus du gin tonic sous la lampe de Wood, virevoltantes figures autour d'une barre de danse, haleine doucereuse et cacahuète-entêtante de ma voisine de gauche.
Les fiers guerriers sont revenus en désordre de cette lutte contre la nuit, mes yeux s'ouvrent un peu dans le RER qui file vers Denfert, et la place des martyrs.
Brûlure de palinka, moquette épaisse de l'Intercontinental, rues sombres de Valcia, moustache affolante du chauffeur, souvenirs confus d'un pays désolé par l'hiver, réunions mystérieuse et culte de Mendeleiev, cartons partout sur la route, somnolence, café, café, encore café!!!, tout le long de ta vie tu te concentrais sur le décollage, et toujours ratais l'instant crucial
Enfin couché. Je cligne des yeux. Par le hublot étroit de mes paupières défile à rebours la soirée, resto, bar, pérégrinations urbaines, bagarre vélib contre 4x4, aliens déguisés en crevettes, étreinte fugace, défilement du tapis à bagages, sourire convenu, bruit des roues à l'atterrissage, ...
Illusions vagues déjà généreusement barbouillées de sommeil : à nouveau, j'ai quitté terre. Par magie pneumatique ton corps flotte au dessus du sol à mon côté droit. Agité de mauvais songes, et moi en réaction agité des même oscillations en phase opposée. Dans la nuit notre navire file bon train, le voyage fut si bref, je ne sais plus quel cap, quelle destination, du rêve, de la réalité

Was she never here
Was she ever
Was it air she breathed
At the wrong time
On the wrong day
All the lights are fading now
If Im dreaming all my life
If Im dreaming all my life


*: ça y ressemble, mais c'est pas ça, sur les magnifiques prises de vue de airlinemeals

mercredi 2 septembre 2009

AF 017 - 1er septembre : What's wrong with you mother fucker ?

Courbevoie,
Courbevoie,
quelques secondes d'arrêt puis ce train déjà repart, stay clear from the closing doors please
je vais te revoir bientôt, inch'allah, puis c'est l'arrêt suivant : La Défense

Une transition en B 777 - 300 qui reste comme vague éponge mouillée entre deux rails de pinceau, les présents se confondent.

Et pourtant,
et pourtant,
Vœu enfin exaucé, Graal de la nappe blanche, et ma voisine était splendide, racée, précieuse. Sa veste trouée et moi comme le trou de la veste : invisible, renonçant vite aux tentatives et simagrées, pour revenir à l'adoration des courbes du fauteuil des rouleaux de massage de l'oreiller de l'écran du casque la table pliante silence, mes yeux se ferment, collapse. Tellement -collapse- que le cadeau de l'équipage y finit dissous.

Une skyline de pancakes au soleil couchant (reflets dorés du sirop) que remplace aux premières lueurs de l'aube un plateau intéressant, puis les trajectoires lumineuses des automobiles au sol : rouge blanc, et du noir.

Il reste alors 40 minutes de vol,
bientôt moins,
3500 pieds,
bientôt moins,
touchdown.

Au sol tous les avions d'Afrique nous rejoignent pour une belle foire en douanne, le temps de couvrir ce carton de quelques notes et voici tout à trac un camarade de l'AF 929, direct de Luanda dans le même genre de coucou, ce qui vaut pour aujourd'hui un retour en carrosse vers les portes de la ville...

11h38 - l'état de veille se prend de vertiges. Tout doucement. Encore. Sapé par un torrent mélange d'eau, pamplemousse, caféine, humeurs transnationales, smoothies aux goûts variés (avec ou sans laitage ?), poisons du voyage.
Dégringolée la longitude, sur ce rail courbe tel un méridien j'ai laissé de petits morceaux rouges, palpitants. Ce vol on l'devrait obligatoire, jambe d'académicien ou pas, je m'en fiche. Car comment oublier bottes, rats, berceuse tonitruante du subway, Amérique bonne enfant, black coffee with donnut, perspectives des avenues, stripes and stars ?

In truck stops and hamburger joints
In Cadillac limousines
In the company of has-beens
And bent-backs and sleeping forms
On pavement steps
In libraries and railway stations
In books and banks
In the pages of history
In suicidal cavalry attacks
I recognise...
Myself in every stranger's eyes