mardi 11 septembre 2012

AF 2561 - 11 septembre : je volerai tout seul !

Ce retour, ce retour 
et ce 11 septembre
c'était Paris à l'horizon, avec quelques obstacles.


Deux jours auparavant...
Le sac et moi étions posés là, sur quelque route perdue dans l'est d'un pays pas tout proche. Il y avait des chiens aussi, peu soucieux d'autre chose que la prochaine pitance. Mille bus, également, il apparaissaient par saccades, transportant les supporters du rassemblement pro-Saakachvili en capitale. En vain.
Nous seuls espérions un transport dans la direction opposé. Mais ce n'était pas moins vainement.

On ne décodera que plus tard l'échec de nos tentatives imbriquées. L'une dépendant de l'autre; l'autre, je ne sais pas, certainement liée malgré tout. Pas moins en tous cas que le sucre au café noir, la route vide aux bus pleins, quelque erreur de date ou posologie, parfois, à la naissance...
A ce petit jeu la concomitance choisie par l'auteur devient ipso facto la réalité du lecteur de fiction, s'il est docile. Et qu'il s'applique à bien déchiffrer le propos. Donc : imbriquées.

Profitant qu'aucune loi ne condamne le rapprochement entre un sac, un Mikheil et un candidat déchu aux législatives, tous trois majeurs et consentants, on pourrait dire que ce jour là : nous étions tous défaits de pouvoir et de frontière.


Au temps présent
Mais au moment des faits, les vôtres, les miens, et tous les autres qu'on ne décrira pas ici, car ils sont pléthore et cohorte -de cette quantité résultant que même de pauvre consistance, et vil intérêt, ils sont vachement forts-, au moment des faits décrits nous n'étions encore que trois entités bien distinctes. Cette affaire de masse critique, c'est un peu foule des chinois qui rit contre peur d'indignité. Vaste sujet dont chacun s'accommode comme il peut; personnellement un filet de citron, quelques gouttes d'huile olive, merci.

Au moment, donc, où on a terminé de placer des faits, défait, d'effet, on met l'énergie qu'on peut à vivre, à bouger le pouce frénétiquement à chaque vombrissement, gober des graines de tournesol, compter ses derniers petits sous avant l'échec. Sans penser plus avant, jour à suivre, entrelacs des réalités. 


Toujours sur la route, mais le 8 septembre vers 16h45, pour ceux qui seraient perdus
Pour l'une de ces deux vanités au moins je vilipendais la vieille mama arménienne qui la veille nous avait convaincus, le sac, moi, et trois autres individus, de partager un taxi pour Borjomi. 
On s'entasse collés-serrés tandis que le chauffeur recompte nos coupures. Au bout de cent mètre il s'arrête déjà pour en lâcher autant -voire plus- au pompiste, et la voiture redémarre vers ce pire cul-de-sac, alourdie de combustible. Je regarde quelques donzelles sur le bord de la route avec un air équivoque, elle (la mama) me critique vertement, ça commence bien.

Vaniteux voyageur en voie de perdition. Je ne comprendrai que le lendemain qu'était atteinte une extrémité de la piste. Tout se mettait en place pour que bientôt le retour se conjugue à l'impératif : rentre! rentrons! rentrez!
Donc, moins de 24h plus tard, c'était pfff, et demi-tour résigné vers T'bilissi. Errance dans la ville, ivresse, coup de poing. Taxi fou, empoignade d'ivrognes, dernier beurek et bus pour Erevan.

De l'exposé de ces fait s'impose logiquement que toute vie vécue à rebours, de son terme à son début unicellulaire, offrirait l'avantage de ne jamais foirer un voyage dans l'ouest de l'est, et présenterait bien d'autres agréments, dont le système pileux et le goût des seins de maman sont deux exemples significatifs, mais il y en a bien d'autres...


Dernier café (Հայկական սուրճ, pour parler local) puis... 
Paris !
Et le charme si singulier des vols du 11 septembre.
Ça commence tôt. Il faut d'abord rater le vol de la veille. Puis se représenter à l'aéroport, ce coup-ci avec un ticket. Derrière le guichet d'enregistrement, la première terroriste a même un badge Air France. Elle fait : Sorry, I cannot help you, et annule tout sec mes rêves capitales pour une sombre affaire de listage, de délais, de je ne sais pas.
Que faire...? Passer en force !
Enjambant son cadavre je cours embrasser la carlingue, savourer les odeurs de spray insecticide et de kérosène, le cliquetis du comptage, claquement de la porte : yeah !

Mais, terreur toujours, un mec déguisé en commandant nous annonce qu'il pleut, que l'ambiance de rentrée est pourrie, propose un détournement, en mer rouge, en Grèce, au Liban ? Un peu interdit à l'idée de butter le seul chef à bord depuis notre arrivée en territoire laïque, technologique et massivement carbogène, chacun pleure ce qu'il peut. Invoque fluctuat et mergitur à venir.

On continue cependant de voler dans la bonne direction, waving adieu à la religion d'état, signes de croix à tout va, monastère en-veux-tu-en-voilà, averse de chachliks bénis. Et sans dévier, durant cinq heures d'apnée, jusqu'à la certitude du retour, ce brave ciel gris, RER joli joli et mes trois contrôleurs -terreur, toujours!- qu'il faut fuir d'un pas leste en se faufilant d'un wagon à l'autre. 
Paris, terminus des volontés, comble du désir unique – être là, rentré, comptant les jours jusqu'au prochain envol. Car en vérité, ce qui fait qu'un voyage s'achève, ce n'est pas le retour mais l'imminence du prochain départ.