Les voyages, les frontières
Rien n'a changé, depuis le début, rien ! C'est toujours la même mélodie.
Tralala - départ. Puis, hop ! - retour. Enfin... Cette musique, ou une autre... tout est affaire de rythme !
Les voyages se suivent.
Il faut se dépêcher, repartir ! Voyages sans fin, et encore. Voyages sans terme clair, mais où sont passées ces fichues clefs, elles étaient bien là pourtant, et la porte ? Je ne sais plus...
A cette occurrence les verres, faut dire, étaient bien servis. On sait recevoir, dans ce boxon !, et d'un jour sur l'autre c'était tout donné, perdu, bu et rebuts qu'il fallait rempiler avec joie sur le tapis de jeu.
Les frontières se brouillent.
Où s'arrête, où commence ? Faudrait au moins convenir des événements sanctionnant les étapes, dans cette errance. Retour à Paris, où passage au poste de douane ? Rencontre de la clef avec la porte ? Émission d'un nouveau titre de transport ? Ou retour à la raison...
Pour ce voyage là, ce pourrait être cet instant maladroit. Lorsqu'un soir, à bord du joli voilier, Agnès renverse un généreux verre de soda américain sur le clavier de la bécane. Laisse, je lui fais, c'est pas bien grave. Ça arrive... Cependant que je maugréé : mais pourquoi lui, bon sang ! Cet ordinateur innocent ! Lui qu'était toute l'inspiration, la raison, la cause de ce trip around. Achevé d'un droit au cœur de 25 centilitres ?
Fulmine et rage sont en bateau. Me picotent l'échine et remonte le long des poings. Éloignez la fautive de ma ligne de force ! Je dois mordre !
Point zéro, origine
A l'origine il y a : un midi, Paris, Raphaël.
Ce midi, à Paris, c'était avec Raphaël, au mi-temps de la semaine, un beau festin de chômeurs enragés. On se réunissait pour déjeuner, et ce n'est pas tous les jours.
Septembre 2013 ! Période faste pour la cuisine et les trois brûleurs, qui tour à tour se disputaient la faveur d'un cèpe ou d'une girolle, ou plus heureusement d'un assemblage de lard, châtaigne, vin, champignon et autres trouvailles de fond de frigo. Pour mon invité, la turbine à sorbet et le four étaient aussi mobilisés. La crème fleurette coulait à flot, et au milieu de délicieux capitons vineux me parvient encore la saveur de profiteroles au chocolat pas bien mauvaises.
Comment la discussion nous a mené vers l'action, fut-ce lui, moi, le reflet du fond d'un verre, quelque appel infrasonore qui en suggéra l'idée ? Toujours est-il que d'un instant à l'autre nous étions partis, terminant les agapes fin bourrés sur deux biclous, direction plein centre. Arrivés entiers par quelque curieux miracle, on a lâché les montures pour découvrir la boutique.
C'était un magasin sans queue ni tête, où un vendeur a peine mieux pourvu termina d'emmêler nos idées déjà pas bien faites. Raphaël rigolait blague sur blague tandis que j'essayai de préciser la couleur de l'attirail recherché. Orange ! Dans l'écheveau des idées confuses, c'était la seule chose clairement visée, peu importe le reste. Orange !, j'ai répété, orange, ORANGE !, jusqu'à ce que le zigue accède à mon délire et ouvre l'emballage. Dans la boîte un bousin fort beau, très design, nous observait craintivement en émettant un léger bzzz électrique. Il avait indubitablement le teint gris anthracite...
Alors ? Alors j'ai récupéré toute ma mise, transformée en liasse de billets verts par la magie de caisse. Raphaël continuait de rire, m’imitant à grand renfort de strabisme et bégaiement : « orange, orange, orange ! ». Et il sautait partout, fallait voir. C'est sans doute pas loin de cet instant qu'a précipité le faisceau de conviction, que s'est imposé ce nouveau départ.
Alors orange
Quelques jours plus loin, comme les pensées déjà bien perdues, loin diluées dans le rosaire des comptoirs, les mots du dernier retour continuaient de s'égailler dans les rues de la ville. Un peu tous et chacun ! Un peu toutes et aucune ! Il s'annonçait un léger froid et quelques projets d'avenir.
Faisant le tour des poches du futal, j'ai compté : quelques tâches, 1 trou, 400 jours de vacance, 1000 euros en petites coupures, aucune intention. Et quelle requête pour le père Noël ? Regardant mon reflet dans l'écran du vieux computeur qui me valait compagnie au bar, je re-décidais enfin d'aller en toucher un tout neuf, fin, performant... et chemisé orange. Le temps de finir cette bière.
Burp, en route !
Comme les retours inspirent les départs, es un viaje sin fin.
En fait, ce sabbat ce serait comme un oignon. Je pèle, tu pèles, tous pelons et bientôt pleurons ; allez pleure pas dis, rien n'est vain, ce chaos qui t'envahit n'est que l'écume sur la soupe.
Puis à chaque pelure c'est comme une vie, toute entière et complètement nouvelle. Voici une autre couche, brillante de fraîcheur, estupenda! Et ça ne finit pas !
Been here, done that
Justement : nouvelle pelure. Voilà qui tombe bien, car pour les nouvelles vies, il y a ce pays ad hoc, pas vilain. Les Etats-Unis, grand spectre mythique, soupe mille saveurs, galaxie urbaine pleine d'espace, de vie, de vide. De ouisky !
De cette galaxie choisissant une étoile, j'explore, et parcours, et marche.
Toute la ville ! Gauche droite haut bas, convaincu que la réalité urbaine se cache dans l'écho des pas sur les coins des immeubles, ou cette vibration ténue de l'air qui dit mieux qu'en dialogue, sans besoin de traduction, la vérité du lieu.
Sur le frontispice il y aurait marqué : je ne sais pas.
Et dedans la ville, rien. Un bazar de lettres achevant de fondre, plus rien de lisible, que de l'encre liquide et quelques tâches de blanc.
C'est là l'endroit idéal. Il convient de s'armer de patience. Je me suis assis comme j'ai pu dans ce non advenu, équipé d'un litre de bourbon et d'un joli filet à papillon. Quoi ? Le bourbon ? Indispensable ! Avec, on se fait plein d'amis de lit de vie de nuits, bien qu'il vaille mieux en garder un peu pour la suite. Le filet en revanche, inutile mais très joli, avec son molleton orange et ses mailles délicates.
Assis donc, d'autant mieux que la bouteille s'est trouvée complètement sèche et le corps d'autant amorti, j'ai énoncé la série du nombre sept. En binaire. Ouais, des zéros, des z'uns, le truc qui marche à tous les coups. Au dernier bit il était là, petit, vibrant, et coup de bol : orange !
C'est enquiquinant comme les voyages pourvus de finalité manquent de vague(s). Faudra veiller à filer sans but, une fois prochaine, tout promettre, rien tenir, s'arranger pour être dérangé, assurer l'inconfort... Enfin !
Un treize octobre et un trophée, une immense soif et l'envie brûlante de repartir... C'était déjà le retour. On a sanctionné ça d'une agape bien charnue, puis bientôt fallut refaire un sac, préparer une nouvelle pelure de vivre.
Concernant ce phénomène, j'ai ma petite idée. Cet oignon là, il doit être très, très gros.
Tellement beaucoup que l'homme, tel un petit insecte, l'épluche de l'intérieur, découvrant chaque fois plus avant, pelure après pelure, pleur après pleur, ce qu'il en est de la vie. A force d'essais, échecs, sanglots, la technique progresse. Avec soin et couteau ad hoc, bientôt parviens à peler la bête sans niquer le cytoplasme, dégager l'oxyde de propanethial...
Ah, je me marre ! Allez, encore un verre, santé!, encore une pelure !
Alors toujours plus loin du centre, des étamines et de l'ovaire, continue la balade.
Tellement beaucoup que l'homme, tel un petit insecte, l'épluche de l'intérieur, découvrant chaque fois plus avant, pelure après pelure, pleur après pleur, ce qu'il en est de la vie. A force d'essais, échecs, sanglots, la technique progresse. Avec soin et couteau ad hoc, bientôt parviens à peler la bête sans niquer le cytoplasme, dégager l'oxyde de propanethial...
Ah, je me marre ! Allez, encore un verre, santé!, encore une pelure !
Alors toujours plus loin du centre, des étamines et de l'ovaire, continue la balade.
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