vendredi 14 octobre 2011

AF445 - 10 octobre : tentative de noyage

1. Pourquoi
Un jour faudra que tu dises pourquoi tu voyages, 
pourquoi tu ne tiens pas en place à nos yeux, 
alors que dans ton pays mental, tu es là au même endroit, 
comme un grand phare qu'aucune tempête n'abat.

Docteur,
Oh mon docteur,
dis, pourquoi je voyage? Je ne sais pas pourquoi je voyage. Je cherche le verso de ma carte postale, parviens à sentir au revers le léger relief d'imprimerie la date le lieu, qui diraient enfin la genèse, le pourquoi ?... Et pourquoi la frontière, pourquoi pas dans les corps dans les âmes les coins et recoins, dans le petit trou de balle obscur du chat dont on ne caresse jamais que la tête, et le cou.
C'est peut-être que né apatride, je recherche l'envol, ou que l'envol me cherche ?


Père, mère, enfants, toute la famille
réunie autour du cadavre de ce chat
qu'on a jamais vraiment su si de son vivant miaulait,
fouillent les abats. Le sorcier et tous les magiciens d'avant, le chat, aussi, par erreur cannibal, cherchent du bout de la fourchette cette vérité en lettres d'imprimerie
mon numéro de série !

Et le chat repousse, d'un revers de patte 
ces toutes petites choses.

2. 1ère vie
A cette descente d'avion
Melinda, 22cm, voix grave, seins véritables, fesses incroyables, nous accueille. Bienvenue, elle lance, ici c'est le corps comme à la création, avec un carré!

Je lève mon poignet. Rien. Quelle heure est-il?
Il est une autre. Pas la même.
Je sens la piqûre sans parvenir à distinguer les aiguilles, à cette distance. Sens aussi le virus, le vaccin?, comme un sang chaud se répandre. Mais quelle heure est-il bon sang!


Il est la nuit. La nuit se passe à l'hôtel. Lanterne rouge. Dans cette chambre trop belle, on a dessiné un carré, un lit?, au sol, où entasser les sacs de foutre. Au-dessus, un miroir maculé raconte mieux que les cris, imprécations, bruit du couteau sur les dents
il y a des traces bien verticales, de 4, ou 5 doigts
d'autres partent sur les côtés, vont, viennent, oscillent
ou encore tiennent une position, dessinent un poème
je m'endors doigts sur ces runes, la TV hurlant quelque édifiant pornographisme sexuel et explicite, où il est question d'une dame honorable, d'un plombier, puis d'un autre, et un autre, et un autre, et un autre...

Au réveil, sur la plage
une vague géante couvre l'horizon
notre christe lève sa jupe, réprime un frisson
et pauvre moi, 700m mètre plus bas, QNH 0!, je vois la promise, l'immense, la fin du monde se dresser : sans appel
l'instant d'après, comme un  moustique dans la cuvette des chiottes tourne et tape et choque
la recherche d'un gaz toute entière m'obnubile
c'est la première tentative de noyade.

2. Interlude, recette
Pour la caïpirina, vous prendrez tout ce qui est doux, là
trucs, câlins, étreintes, tout. Réduits en poudre, matchaqués.
On ne doit plus distinguer, ni quoi, de qui, de tout ça.

Il faut marier en écrasant avec du jus, du qui pique :
vos ulcères, mes douleurs, leurs poings, nos gueules, les piques, vacheries, l'arme de ce petit gars aux yeux rougis défoncés, pointée toute une nuit sur ta poitrine, l'extrait d'humeur des autres gens, préavis de grève, AVANCEZ DANS LES COULOIRS S'IL VOUS PLAÎT !, etsétéra

Puis la cachaça, la cachaça, c'est le miracle!, un alcool comme tous les miracles, un miracle dont pas une goutte ne se cache dans mes valoches
faute à, va savoir, je ne sais,
accès de fièvre, crise d'ébriété, fatigue, crève,
ou c'est qu'obnibulé par quelque cul
traçant sa courbe dans mon champ de vision
j'ai jeté en vrac en sac en duty free : gel hydroalcoolique, coussin cervical, eau minérale, sac de bonbons, tire bouchon, et payé!, toujours payer!, avec le sourire payé, puis embarqué.


3. 2ème vie
Dans cette deuxième vie, je ne sais toujours pas pourquoi.
Pourquoi je passe des méridiens
croise des gens
ferme les yeux
et on parlait de fuite, fuir encore, fuir toujours,
à certaines dates comme ça, avant d'être vieux
où la vue des phares et du sommet, t'enfuissent.
 
Et puis ici, on est bien. Ici, c'est plein de zamis, de collègues, de vagues, de bières, et de ventilateurs au plafond. Il y a un chat aussi, et quand les quatre murs seront tombés on volera, lui, moi, dans ce qu'il reste du jour.
La porte s'ouvre. On va poser nos coussinets dehors. Observer le monde avec les moyens du bord. Analyser ce pied, cette main, cet oeil, ...le monde entier est parmi nous, entre nous. Une observation qui nous réuni, de l'univers qui nous sépare. On se tourne l'un vers l'autre, collons bouche sur museau dans un baiser bestial, saveur croquette poisson/poulet.


Puis vient la faim. Il miaule. Avisant une tortue à l'horizon, tahio!, je saute. L'eau fraîche de Cabo Frio pince les fesses, frémissement, deuxième tentative de noyage ? Après quelques brasses essoufflées, je me remémore un précédent.
Un an plus tôt, on avait enterré Henri et tenté une toute première, Louis, moi, sur la plage de Mesnil-Val. Au milieu des vagues de l'écume et du froid, deux petits bouchons ballottaient sous les yeux des survivants. C'était comme de vrai et presque réussi.
Alors je réalise
me retourne vers le bord, vers le chat
et crie avant de disparaître
J'AI REUSSI ! C'EST LA TROISIEME ! ADIEU !

4.vieux et mort
Dans le retour dans la mort, la ville est grise
l'appartement jonché de mégots, glacé le métal de la tour
je cours au dernier refuge, mais ni Ahmed, ni Rachida n'y sont plus
A cette occurrence de la petite mort, le Pasteur a disparu.
Le pasteur est mort, vive le petit pasteur !



C'était une ville pleine de gens, de cariocas, et de sable aussi
des milliards de grains, qu'on a remué, doucement, du bout de l'orteil.

Là, tous buvant de moins en moins, se couchant de plus en plus
et tout partout tout le monde, allait courant nageant
sportant de plus en mieux.
J'en ai saisi une poignée, laissé pleuré entre les doigts.
Ça ne désemplit pas.
Il suffit de fermer les yeux.
C’est de l’autre côté de la vie.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire