mercredi 11 octobre 2017

LA842, AF401 - 11 octobre : insularité oblige

Faut avoir des lettres pour piger ; plus encore pour appréhender un phénomène qu'on ignore. Là, le laborantin se gratte l'oreille d'un air inquiet. Cette dendrite sous les lentilles du microscope le regarde parfois, l'air comme amusé.
Pauvre humain, partout anthropomorphiste. Il n'y a pas jusqu'à l'atome qui ne trouble son idée. L'effet tunnel - n'en dites rien devant lui ! Un jour t'es là, Paris jolie jolie, le suivant c'est tout un transport, une autre affaire. Là, le Moai m'accueille, d'un air figé, tout minéral.


Faudrait éviter de tels chocs.
Revoir les protocoles. Tous les protocoles !
Les amoureux, déjà, puis tous les autres. Copier cette rigueur minérale. Ne plus rien laisser transparaître de l'énergie vitale qui nous agite. Depuis le cristal du cœur de roche, on énoncerait les fondamentaux du nouveau dogme :
il n'y a pas de voyages, tout juste des errances plus ou moins rapportables
au sujet desquels on n'écrit jamais pour se faire entendre, surtout pas comprendre
aucun retour n'est indispensable; pas plus que le départ, d'ailleurs, billevesée ! Mieux vaut parler demi-tour, ou boucle myotatique...

Au bout de ce tunnel est un ailleurs où règne un bon vent du nord.
De petits nuages pas bien épais filent en faisant zouh, et hop, découpant ça et là une jolie dentelle bleue et blanche. Un zéphyr pas tout à fait atlantique. Un climat pas tout à fait d'été. Faut-il repartir pour autant ? Faut pas.
Dans dix minutes viendra le coucher. Entre deux blocs de statues, depuis une belle prairie parsemée de touristes, ça vaut bien le coup de pauser. Encore un peu. Prendre le temps, trouver le rythme. Deviner le pouls de ce gros rocher volcanique.


Il n'y avait pourtant vraiment eu ni départ, ni retour. Comme l'esprit tournait encore un peu en voltige, dans un brouillard de fatigue, fallait effectuer le fastidieux ménage. Chaque coup de chiffon comme une montée de rideau à l'opéra vue des coulisses : beaucoup de bras, de han!, de ouf! D'un côté de l'éponge, tu pars, de l'autre : tu reviens.

Mais la boucle !
Fallut bien un demi-tour. Rembobiner le câble de l'aspirateur. Approcher un transport.
Lundi 22h : les garants d'un voyage réussi se trouvent là, menottes gants et rangers au pied – contrôle ! Ils m'ont relu les trois commandements du dogme, comme fâchés de devoir sévir.
Alors avec le sourire sortir le portefeuille. Avec émoi l'ouvrir, et rien. Avec dépit chercher en vain, la carte bleue qui n'y était plus. Ça a commencé comme ça : le cul sur une valise, à me demander, pourquoi t'es con, pourquoi t'es con ?
De cet instant sans départ ni retour jusqu'à la fin, l'oubli est une nécessité. Il n'y a rien qui vaille mieux qu'un bon rideau occultant l'écheveau des souvenirs.

...Que reste-t-il ?
Un piège, certe confortable, mais pas loin d'être oppressant.
Puis l'horizon, à perte de vue, partout trop lointain.
Enfin, s'insinuant beaucoup à beaucoup, cette sévère mollesse. A laquelle s'adapter, se fondre ?


De projets ajournés en procrastination au zénith, l'abandon bientôt s'impose. Je me couche et reste. Perdrai bientôt le sommeil, par excès de sommeil. Persisterai jusqu'à l’escarre mnésique : le rien ! Grand déversoir !
Un trop-plein se devine au-delà de ce petit néant. J'espère toujours qu'un immense deleatur en viendra pour rayer cette lettre, cette ligne. Puis tout le reste !

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