ce jour passe et le suivant
puis les autres en tout semblables, que ma fatigue indiffère.
Combien ? Pas beaucoup ? Combien ? Pas encore assez. Combien !?! Ne compte pas !
Ils sont tous le même, sans plus ni moins, presque rien de travail, diablement monotones, foutrement bien payés.
Quarante années semblent avoir passé.
Quarante années semblent avoir passé.
Se peut-il ? Il semble.
Des regrets ? Comment ? Pourquoi !
Rien de tout ça. Juste la mer. Et les jours.
Des collègues, aussi. La routine. Et l'ennui.
Oh, cet ennui. Terrible ennui implacable ennui permanent; solide poussière dans le quotidien partout imbriquée. L'ascèse presque parfaite achoppe sur quelques détails bêtes, mais bêtes!, alors il surgit. L'ennui, l'ennui, l'ennui.
Celui de ne même pas savoir disparaître dans l'imaginaire. Celui du quotidien, avec les gens du quotidien, des gens somme toute individuels, un et un puis un autre et encore un, unités sans étincelles, petites choses molles qu'on peine à prendre au sérieux. Mais l'ennui ! Voilà un obstacle au-delà de notre perception. Notre redoutable écueil.
J'y suis j'y reste
j'y coule j'y disparais
bientôt plus rien, que le corps, et encore
rien que le corps...
cependant parfois je pense, on se demande bien quoi et comment
par exemple dans la salle de sport. toujours la même cérémonie, la même musique, la même solitude : cette monotonie draine quelque chose de neurones oubliés. au même geste, chaque jour, la même pensée. Comme drogué bientôt je ne sais plus si ce geste est imaginé ou réalisé, pour la première ou millième fois. Alors la pensée, itou, continue ses tourbillons autour de la même image, idée fixe où parfois tu surgis, je pense à cette savoureuse plâtrée et un doute m'assaille, on a dit quoi déjà, quelle était la recette précise ? et ça me travaille, expiration, uff, travaille, lever de bras, ouf, inspiration, travaille...
De loin en loin un marin par l'espoir déraisonnable rendu amnésique s'en va courant tout droit, le malheureux pousse un dernier cri et hop, plouf, l'eau bouillonne, il disparaît, nous savons tous qu'il n'y a rien à faire.
Tout coi bien tranquille, savourant le virus qui me ronge, heureusement enfui dans les cotons d'une fièvre légère, je déguste la perspective d'un départ aérien.
Je regarde l'horizon, l'horizon me regarde, j'avais pas fait gaffe avant. Une baleine passe en battant des ailes. La lune était rouge, ils m'ont montré. Cette nuit la fièvre qui me tenait est partie, poussée par cette nouvelle fièvre de vivre. J'ai dormi comme ailleurs, différemment. Le chemin est clair désormais, claire la route qui part, s'éloigne de ce navire, revient à la terre, à la ville.
A force d'impatience ce souhait se réalise, ça sent la terre.
Bientôt le corps se rend compte. Le toquant redémarre.
Alors comme tout ce sang circule à nouveau, touche la mémoire, me reviennent cette chose et l'autre. Un nom. Les verbes. Agir, regarder. Sortir de léthargie.
A force d'impatience ce souhait se réalise, ça sent la terre.
Bientôt le corps se rend compte. Le toquant redémarre.
Alors comme tout ce sang circule à nouveau, touche la mémoire, me reviennent cette chose et l'autre. Un nom. Les verbes. Agir, regarder. Sortir de léthargie.
Je me souviens ! Le temps reprend son cours, l'urgence me bat les tempes. Sorti de là, l'urgence des choses simples me frappe. Manger, rire, bouger, faire l'amour.
Toute cette liberté, effrayante perspective.
Le maton ouvre la porte étanche, "Aller, filez!!! On veut plus vous voir."
Revoilà le monde, le même, mais différent,
avec toi, la même, mais différente,
et tout le reste. Le temps a passé, combien de temps à passé ?
avec toi, la même, mais différente,
et tout le reste. Le temps a passé, combien de temps à passé ?
Quarante années et rendu là
sonné, le corps, assis, l'homme.
Le foie, les muscles
entre douleur et courbature,
rien ne va, plus rien, que le mal d'être bien vivant, sorti de catatonie
alors je raconte - essaie - échoue - essaie à nouveau. L'exercice est hasardeux
libre d'énoncer, choisir, égrener le chapelet des lieux qui sont partout différents et ailleurs qu'ici. Sorti du quotidien outrancier, éternel, les mots n'y sont pas. Je bafouille.
___
les jours passent vite alors qu'on aurait pu croire le contraire lorsqu'on est là, assis, à attendre je ne sais quoi, à boire et à boire encore jusqu'à devenir le prisonnier des vertiges, à voir la Terre tourner autour d'elle-même et du soleil même si je n'ai jamais cru à ces théories de merde que je répétais à mes élèves lorsque j'étais encore un homme pareil aux autres
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