vendredi 20 juin 2014

AF1779 - 20 juin : bouger à tout prix


Cette ville c'est Dublin, et autre chose.
Cette histoire c'est une chanson, mais c'est aussi autre chose.
Le présent diffère et plus encore son récit. Au final ce ne sont que des mots, rien que des mots qui subsistent. Pas autre chose. A terme, qui saura dire où, et pourquoi ? Les mots hésitent, vibrent encore un peu en l'air, perturbent un instant le vol de la poussière, et nous voilà rendus, dépouillés du récit.

Les mots se taisent. Re-convoquée, la mémoire plaide l'amnésie.
Ce n'est bientôt plus qu'un mince filet de perceptions, images, odeurs. Dans le silence qui suivra le tarissement de la pensée les mots ne seront plus nulle part, mais subsisteront partout. Présence sourde, tant rassurante, si menaçante.
A chaque page du dictionnaire, le risque de décharge -pressentiment, syntonie, déréliction, apraxie, quiddité, atonie!-. Puis toujours le potentiel explosif de chaque missive - "je ne sais plus à qui je parle et à qui j'écris et qui j'espère ou qui je n'attends plus" - "contre ton obscurantisme je cherchais une langue claire et droite". Et tsétéra ? Attention !
Ils vont inutiles et discrets. Surchargés de sens et d'histoire. Sont de vieux amis dont on finit par éviter la présence trop chargée, invasive.

Mieux vaut partir. Un autre pays, où ne pas se faire entendre.
Un coin tranquille, où se conformer de silence.
 

Loin la bagarre avec des souvenirs. Des mots. Des idées.
Ils se declinent, vains, veules, changent de mode et d'orthographe pour esquiver les coups. Renvoient de plus belle le signifiant du signifié. Te pincent les yeux douloureusement après des heures de déchiffrage.

Rien que des mots.
Tu n'as pas été à Dublin !
A cette occurrence du départ ce ne sont pas encore les mots qui manquent, ni l'envie de bouger. Peut-être juste un lit, et quelques heures de sommeil ?
Il faudrait.
Il y a. Encore.
Du temps, mais plus beaucoup. Des idées, de moins en moins. Mais attention ! Le monde persiste. Demeure. les jours, les nuits, si vastes, tellement variés ! Attention ! Le dormeur toute conscience éteinte, s'efface au monde.
 Qu'est-ce qu'il se passe ?
Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Qu'est ce qu'il se passera ?
Rien. Que des mots, et des idées.
Tout. Les mots, et les idées.
 
Regardez cet homme. Zombie urbain, pauvre hère.
Regardez-le marcher. Regardez-le dormir.
Il est dans la ville, la ville tout autour l'entoure et pousse au départ.
Toute honte bue la carne les fringues n'en peuvent plus de tourner vides. A la cave le stock vital finit de fermenter. Bientôt il sera possible de distiller le mot pourri, tirer un de ces alcools fous, essence de vêtements et vieilles idées élimées.
Boire, et partir.
Partir, et partir.
Partis, revenus de tout...

___
As-tu idée seulement de cette folle dépense ? oui, bien sûr que oui. de cette énergie excédentaire, cette voie royale de ce qui s'écoule et se donne en pure perte, de ce qui fut glané fiévreusement dans la langue, de ce tri au tamis de la langue, précautionneux tout autant qu'impérieux, pour amener de la pensée dans le corps et du corps dans la pensée. pour faire jaillir, gicler ce geyser émotionnel. donner son visage humain à ce désordre, merveilleux désordre : l'expression du désir. voilà le but. pour que ce qui exulte puisse exulter. montant parfois, par brusques bouffées, au grenier ardent de l'inexprimé, de l'indépensé. l'âme planquée entre les plis et les replis est à déplier toute grande, sous peine d'asphyxie.

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