jeudi 24 septembre 2020

ET925, ET704 - 24 septembre : nouvelle ère

Not nit not nit no not
Nit nit folly bololey
Alifi my larder

Chères épaves

La belle année du renouveau ! Toute en dissemblance, où rebattues cartes et coutumes, on ne retrouve plus ni petits ni grands. Sont-ce les mots, ou les prétextes à vociférer qui d'abord vinrent à manquer ?
Pas même le plus petit. Bien confiné, là. Dans l'hexagone, centre - la ville, milieu - les murs, quatre : on n'attend plus même l'inspiration. 
L’année s’écoule. 

Nul grand mouvement, aucune folle nouvelle. 
Alors hommes comme bicyclettes, doucement s’étiolent. Il n’y a plus d’échappée. A vos marques… Prêts… Fixez ! Mécanique de la quiétude, plus une idée ne bouge. Tout tient là, figé jusqu’à l’effondrement.
Un temps. Deux temps… Sans trop barguigner l’oxyde savoure bientôt les carcasses. Un filet d’idée percole doucement les esprits, les corps. La boulangère parle de maladie, de mort. Une file immense se forme devant la boucherie.

Restait encore ici et là un vestige d’intention dans le geste. 
Puis l’étreinte, aussi. Un fol espoir voulait que nouveau jeu du rapport social, abolition, révolution ?
Mais rien n’advint. 
Il y eu bien quelques fêtes, puis plus rien.  

Dans ce rien qui nous échoit, les frontières ne sont plus même pour décorer. Le contrôleur nulle part à surprendre. 
Pis encore : ce beau douanier, regard éteint, traînant sa mélancolie dans le silence des gares. Il fallait bien un an pour rompre la dynamique, finir sur l’ère, puis enfin : arrêter. Ne manque plus que quelques parachèvements, adieux, séparations, petite lessive. 
Tout sera bientôt prêt pour clore le banc !

Femme-valise

Formidable confusion du renouveau
Que reste-t-il ? S'il manquait un prétexte, les Personnel Logistics Coordinators le balaient d'un revers : Paris - Madrid - Las Palmas -Malabo - Addis Abeba, Paris. Ce qui vint à manquer alors ? 
 
I’m not your larder,
Jammy jars and mustard.
I’m not your dinner,
You soppy old custard.

Un jour tu reviendras mais je ne serai plus là.
Ni moi, ni toi, ni plus rien de nos désirs, de nos idées. Le soleil même, pis les passants : pas mieux. Toute lumière abolie. Un retour comme frappé deux fois, qui sera aussi départ, disparition… Bonjour les repères, nul repère ! Je n’ai jamais été ton cellier, moins encore cette créature poétique fantasmée [elle crache].

Avoue qu’être une chose, dire son contraire
Avoue que dire l’inverse, penser tout
Amertume, douce amie, très ancien sentiment... Double départ, donc, celui qui promet bel horizon et garanti l’inflexion, point de rupture d’avec l’habitude, ce commun mal acquis

La valise bien pliée ne prend plus aucune place dans l’existence, devient bientôt un vide que ni les mots, ni les prétextes ne parviendront à combler. 
A ce retour, nul commun ! 

dimanche 8 mars 2020

AF705 - 8 mars : premiers symptômes

Mankono
Tu viendras à Mankono, petit bonhomme. Plus grand que toi y a ravi sa vie, futé voleur qui s’en défend. Plus grande que toi est restée là, en déshérence d'un petit abandon coupable. Te concernant, néant : tout reste à définir.  
Au Placali-café, chez Omonon Bete, tu prendras le poisson grillé. Inutile de t’y attarder ou d’y revenir. C'est là juste une étape nécessaire au récit. Un marqueur de présence. Un porteur pour la fièvre. Une carne qui magnifiera le symbole…

De lointaines racines sont éparpillées là, petites fleurs blanches, richesse de la nation. De plus petites encore, petites comme des souvenirs, petites comme des ombres, feront travail de galerie dans ce symbole. A toi les fièvres. Rêves de vieux chromos familiaux, crampes d’estomac. Mankono est un corps qui souffre.


Marc
A ce moment ce n’était encore qu’une grippe chinoise. Le monde continuait rond son petit délire de chemin. Hommes. Navires. Tout ça. Rond. Sans anicroche. 

J’ai embarqué pour une mission de plus, un départ de mieux. Volé depuis Bali la belle, revoir ces vieux rivages. Nous échoit la mission la plus absurde, couper, détruire, jeter par le fond. Sans oraison funèbre, abattre le dispendieux travail de nos prédécesseurs. Du bucheronnage. 
Camarades bucherons et moi : à nos pinces ! 

La première a implosé, signe précurseur du tout ? 
Petit grincement d’un grand claquement à venir ? 
Pour la deuxième tentative nous emploierons un disque au tungstène de trois cent cinquante-cinq millimètres. L’idée me transperce que ce disque en mouvement ne nous sauvera pas du naufrage. Je rentrerai bientôt. Pourquoi bientôt ? Auprès de cette femme. Pourquoi celle-là, peut-être une autre. Ou aucune ? Alors que j’observe les opérations sous-marines sur les écrans de contrôle, une part de doute surgit et enfle. « Rupture imminente », me souffle l’opérateur… 


BE805
Moi et les coques de ma classe, fringantes ambassadrices du siècle mondialisé, allons massives, nombreuses, éparpillées sur tous les rivages. Après avoir échoué dans la vanille et le rhum, la machine industrielle a abandonné nos carcasses ici et là.
Dans la baie d’Abidjan les Bourbons s’alignent, coque contre coque. Certain à l’échouage, d’autres au mouillage. On m’a sorti de cette mauvaise léthargie sans grosse promesse. Un petit coup de graisse, léger trait de peinture : retour sur étagère. 
Il reste assez d’acier sous la rouille pour cette mission. Allons cajoler les grands fonds… Full ahead ! 


Directeur
Au beau milieu du grand continent noir, la CIDT cueille cette précieuse fleur pour la magnifier sur chaque corps, dans toutes les couleurs du monde.  

Mon père avant moi, et le père de mon père, ont donné à l’absurde génie des fleurs. Certains doigts de mon cousin sont partis teinter de carmin le fruit de notre terre. Son sang persiste sans doute dans la trame d’une étoffe loin perdue au bout du monde. Mon peuple et ma tribu surnagent dans ce flot bariolé où cycle des saisons, abondante fleur blanche et pouvoir des esprits se transforment en nippe.

Au milieu de toute cette magie, comme la fin de la récolte approche, un autre symbole m’a parlé. Son souffle a dit : je viens pour la mémoire. Comme moi sa parentèle est liée à la fleur. Son image s’est révélée sur le blanc vif du ciel. 
Alors le vieux gardien a regardé cette âme. C’était un blanc habillé de coton beige. Chemise simple, tâches et poussière. Trainant manifestement fièvre et diarrhées. Dans le reflet de son œil bouclait un cercle. Il est reparti avec nos images
    et l’ombre de Mankono