jeudi 17 janvier 2013

AF0439 - 17 janvier : faut-elle donc qu’il parte

 

Encore, toujours et sans surprise, ce retour comme tout autre est le préambule d'un nouveau tour. Tout comme une claque du plat ou du revers reste une claque, Paris se garce et te laisse tout confus, tête tournante sur le banc de la salle de danse. Les ors du plafond filent en cercle, se fondent et dessinent un immense marteau précieux. Étourdi, titubant, fuir ce géant, pour n’importe où, pour ailleurs...

Encore et toujours permanente, la ville est bonne et heureuse. Fraîche comme un non merci. Dans son sourire imperturbable se cache la raison de continuer. Notre raison d’être. Même dans le manque et la frustration... 
Reprenant trois fois ces phrases d’une bouche patex, je tâche d’exposer tout ça au tavernier. Il baille discrètement. De son côté mon voisin rote bien fort, en conclusion d’un autre monologue perdu dans les vapeurs. Le bar est désormais résolument vide.



Ici Paris... La solitude et quelques bières. 
Un comptoir (vrai de vrai en étain, des ateliers de Puteaux) et tous les autres. 
Rendu au monde, atterri bel et bien, séant posé sur un tabouret rutilant, et ce quelque chose qui cloche. Il y a ce dernier bout du parcours où l’on s’est perdu avec tant de vigueur... Je cherche à qualifier l’incommodité de cette transition. Douleur au derche de l'homme assis ? Tête gonflée ? Tout l'organisme intoxiqué d'alcools variés ? 

C’est pourtant simple.
A ce retour, pas de retour. Un fichu détail prive le plan parisien de son assise. Je pense : froid, asexualité, erreur de syntaxe, longueur d’un ongle ou quelque mauvaise conjonction. Quoiqu’il en soit le temps hoquette, les listes restent vierges et moi : parfaitement stupide, torturé de désirs érotiques. 
Rien, décidément, rien qui prenne forme que cette tension du bas-ventre ! Des fantasmes et rêves ferions un gros paquet pour la poste restante, adressé en 2014. 
De fait, ce retour commence par une séparation. Tout bien bu payé filé, quand le bus volant est finalement devenu tangible, le panama est resté là. Sur cette table de cantina anonyme, un chapeau, et tout l'écheveau des idées avec - les fraîches, les surannées, ces oubliées qu'étaient presque bonnes. Toutes ! 



On soupçonne mal.
Il faut imaginer l'enchevêtrement des liens entre chapeau et pensées que valent usage excessif, chaleur et graisse du poil. Au dubitatif il suffit de garder tête couverte toute une nuit, pour voir. Lui tout froissé, les idées en boîte, pire que jamais, on se réveille sans avoir délié l'ensemble, laisser vaquer le grand oubli dans les avenues de nos méninges. 
Tout comme le plus puissant toxique. 
Aussi mauvais que la meilleure drogue.
Le chapeau seul vaut plus qeutchi. Quant aux idées isolées : itou. Ce ne sont que bouts de puzzle échappés de la boîte, vains courants d'air, et ça se voit. L’œil est pâle, moins vif.
On voudrait la vérité. L’absolution. Une autre bière ! 

C’est ton plus beau
ton coeur platonique écrit une langue qu’il me plaît de comprendre

Alors au jeu des équilibres, c’est chute libre.
Tous les pions, mats d'un coup.
La quiche triomphante étale un sourire, putain de denture ! 
Déroulant son ouverture pour l’année, elle propose de mettre en balance ce billet contre notre prochaine transaction sexuelle. 
C’est pas la gaule qui menace. Je fais un ‘ouais’ d'usage et visualise le déroulé de mots grossiers qui irait si bien avec cette étreinte, nécessairement violente. 



Plus loin, le compagnon d’un soir lâche des bordées de «Raconte, raconte !». Mes préférés. 
Comme il insiste je m'essaie au récit de vacances, lieux, paysages, buttant à chaque traverse. Bientôt le récit dé-corrèle, ressemblant de mieux en mieux aux balbutiements baveux qu'on entendrait au chevet de grand-père.
Grand-père en agonie.
Grand-père sur son bateau.
Grand-père jamais vu, jamais connu.
Pour conclure, je tente un convainquant : «je suis le grand-père !» 
Pas égaré pour autant, il insiste. «Reprends. Raconte.» Cet animal rare ne pratique pas la dilution lexicale, il tient bon, ne lâche rien. 
En dernier recours je lui balance Milton. Un personnage ce Milton, vaporeux dans la distance, et cependant toujours prégnant. C’était un fou, c’était un film. Il conduisait à toute blinde, expliquant à grands gestes des deux mains, visage tourné vers l’arrière, la magnificence de sa pensée. Un concert d'avertisseurs couronnait sa pauvre dialectique. No es verdad ? 
Folie, calvitie, voiture et gras du bide dans un mariage à cent à l’heure. En aplat éventuel sur le tableau de bord en résine noire cirée. Soudain muet, je m'applique à lui chercher une fin qui convienne, quelque dernier gargouillis, l'épitaphe. Rien ne vient. L'auditoire trépigne...

Mais voilà, c’est samedi, un autre samedi. Il fait chaud ou froid c’est selon, on mange on boit on rencontre, on assume sa gueule de bois, c’est selon, on prend le bateau sur le fleuve,
tout est possible
jusqu'à la fin, tout est possible.


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