mercredi 9 mai 2012

AF 007 - 9 mai : tout en l'air, foutre, tomber

J'avais en tête une multitude d'odeurs 
de langages de couleurs de lieux 
et je me suis dit : hop ! chaussures, bagages, avion !
un dernier tour du monde, et je rentre à la maison.

Ainsi un jour, j'aurais arrêté de voyager
fixé à une planche, elle-même fixée au sol, alors le sol unité-terrienne et moi : on ne fait plus qu'un, les jours passent, il ne s'agit plus que de vivre, sans prétendre excessivement, sans excension prétéditive, et se repasser doucement toutes les lettres de l'alphabet dans le désordre, enfoncer dans le chaos deux yeux fermés comme avant d'achever la course de la détente, le lâcher de chien, tu vois



vomir éventuellement à longs spasmes belle quantité de mots
fouiller la chyme pleine des lettres désenchevêtrées
suc gastrique, enfant chéri, ultime piscine de notre magie.


Cette magie qu'est en l'air, partout, même en bas,
en bas la magie, tout en bas, sous les rues,
la magie toujours, plus tout, plus rien, plus impossible,
la magie se délite bientôt en faits communs,
ça va toi ? Ouais, ça va.
Tu votes ? Ouais, je vote, bientôt. Je me lave les dents. Je marche dans une rue. Je regarde un chien. Tous ces trucs totalement nouveaux absolument inédits de chaque instant de l'existence, un discours rationnel vient les niveler. Le fameux poids des mots !


Les mots vont s'asseoir dessus toutes ces petites cathédrales de cristal qu'on avait assemblé. joli bruit de verre brisé. Le quotidien creuse un fossé. Les mots vont pisser dedans. Bientôt on ne se rappelle plus, ni l'odeur, la douceur, le goût de rien
il faut un contact ca-pil-laire !
il faut la peau. il faut la bouche.
il faut bien fermer sa gueule.
toujours bien fermer sa gueule.

Me taire. Et poser ma tête, ma fesse, le dos entier qui sait, sur un matelas !? C'est qu'à ce départ les chambres et lits de la cité deviennent d'impossibles idéaux. 
Minuit passé déjà, je supplie un jeune voyageur allemand de ménager une place au sol dans sa chambre. 
Ensuite il se fait quatre heures, derniers verres!, plus loquace et moins subtil, ma supplique à la viande ivre alentour tombe sur un autre refus. Je vois disparaître en double ma camarade bien avinée et toute anglaise, à moins que son double?, ou l'inverse?
C'est sans doute l'ardoise de 95$ que lui avaient laissé ses camarades. Ou ma gueule, ptête? C'est vrai, faut pas douter de rien comme ça : ma tronche lui sera tombé sur le pied, à elle, à eux, à cette ville entière. Bientôt les premiers oiseaux se marrent et le ciel s'éclairci : raté, raté, raté pour le sommeil !



Avec le sommeil : perdu, le dernier bon sens. Les ultimes idées quadratiques s'égaillent alentour. La déambulation continue comme une douce fièvre. Arrivé au coeur de la pomme, je tourne, remontant côté sépales, étamines, et de l'autre, au pédoncule, léchant tout ça jusqu'à plus soif, extrayant des pépins les mortels béta-bloquants, faisant le deuil de toute libido pour au moins, oh, toujours ! 

Quand tout bien saoulé de fatigue j'écarquillai les mirettes, c'était Queens-Jamaica Station. Bonjour le Queens! 

 
Ici, all beggars and rags, les estropiés font tapisserie...
Ici, reprendre son souffle...
Et demi-tour pour le centre où, juste débarqué, à peine mieux réveillé, mon coeur mon coeur éclate. Je cours derrière une brune croisée au hasard. La foule est si dense et dingue, on croirait quelque immense chorégraphie. Je cours toujours, elle semble survoler le trottoir avec des bottes à réaction. Et comme l'air est tendre. La cité dans toute sa splendeur, et cette fichue valise et toujours nulle part où dormir - il est 14h... Elle, si belle. Comme s'il m'était offert de découvrir Paris une toute nouvelle fois. 
Alors je retrousse mes manches et commence derechef la liste de toutes les choses. 


 De l'ordre ! De la méthode ! Quelques jours mon amour, rien que toi et moi et dix neuf millions soixante neuf mille sept cent quatre vingt seize people around. Que nous.

tu lis un livre et tu le quittes
tu manges un repas, mais tu le quittes
tu oses, et quittes
plus rien ne fait sens, tu quittes
plus rien

"Tout a une fin". Tout à la fin, c'est le retour. A ce retour... Un retour, boaf, encore le même retour, la même fatigue, le même contrôleur tapi dans l'ombre ? A ce retour. J'ai flotté encore un moment puis suis retombé, boum ! Atterrissage d'urgence sur tapis de rêves délités.


Mon premier interlocuteur dans la ville est un automate fatigué de la station des Halles. 10h passées. les agents de quai ont déserté leurs postes. Le robot me sourit et essaye de m'empoisonner d'un jus tiède et boueux. "Le véritable expresso avec une belle crème marbrée et dense". Waow ! Bienvenue ! Dur comme une noyade !

Cette journée d'atterrissage, puis appontage, puis débarquation, et encore passage en contrôle, et douane, et transport du commun vers l'immortelle capitale. Cette journée nous arrive, à moi, à tous les autres, nous arrive on ne sait plus trop comment, en pluie fine d'insignifiants. Alors ce Paris d'outre atlantique glisse très lentement vers le souvenir...
 
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Je croyais savoir voyager, quelle erreur ! De chez soi, on croit que voyage est synonyme de vacances, c'est une méprise ! Il faut mettre de côté ses habitudes sédentaires et devenir nomade, laisser son identité et devenir un inconnu, laisser ses travaux et devenir inutile ; abandonner confort, habitudes et se laisser modeler, façonner par l'inconnu, ce qui vient.

1 commentaire:

  1. hihihi
    l'intro m'a plu, allez savoir pourquoi ...
    mais donc, tu ne te reposeras jamais ?
    lit, oreiller, oui, mais maison, famille ... non ?
    voyage, mon petit pierre, voyage tant qu'il est encore tant ...

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