mercredi 28 octobre 2015

AM409 & AF439 - 28 octobre : la linea que nos une


Il est des choses fragiles, d'autres incertaines.
Prenez les deux tours, là. Elles tiennent, sont parallèles.
Tiennent-elles, le seront-elles plus jamais ?
Fragiles et incertaines comme le souvenir qu'on a bientôt plus d'elles, comme celui que j'aurai de toi.

Je me souviens qu'elle est fractale, droite et courbe, à toute les échelles. Infiniment tortueuse d'où qu'on la regarde. La ligne qui joint ce bout et cet autre, ton nombril et plus rien, la ville et ailleurs. Cette ligne entre rien et nulle part est d'une autre dimension : imaginaire. Ou pire.


Le doigt en souvenir
Pour tracer cette ligne on avait prévu tout ce qu'il faut, bien ce qu'il faut : règle, compas, rapporteur, pistolet et une once d'harmonie, même, qu'est pas indispensable, mais jamais superflue.
"Enchanté" - "enchantée", au départ comme dans un rêve on se séparait pour rire sans savoir si on se reverrait jamais. Deux aéroplanes, deux chemtrails parallèles, deux chemins reliés par un ruban de fumée se tracent au ciel. Puis un peu plus tard, un ailleurs et elle, et lui, nous, les mêmes, bien arrivés et réunis sur un autre continent : ce n'était pas un mauvais rêve.

La suite n'est qu'un voyage.
Celui-là ou un autre. Celle-là ou une autre.
Toujours cette affaire d'homme, de femme, de pays. Cette fois ils ont ajouté quelques vélos dans les rues, histoire d'aller plus loin. Chaque rencontre, chaque endroit, chaque nouveau lieu est alors une petite épreuve. Et chaque épreuve, une victoire, car tout va pour le mieux...


Incodifiable bretelle
Comme on se marrait bien, la césure s'imposa.
Ecarter ces deux êtres, voir une autre ville.

Dans le voyage il y a cette composante de syntonie, la recherche de l'accord harmonique qu'il faut entre l'être et l'espace. Confrontés alors à une nouvelle géométrie, les sens s'organisent pour appréhender l'altérité. Travaillent un temps, se projettent dans l'espace afin de l'acquérir et bientôt : l'arpenter.
Soumise à ce filtre, Mexico se fit rétive. Penchées comme ça dans le souvenir, ses rues se révélèrent sens contraire, pente opposée, comme secouées par une tempête fantaisiste. La ville se refusa, ou plutôt : se révéla sur une autre gamme. Il s'agissait bel et bien d'elle, ses habitants, ses bazars. Seulement couleurs, espaces, se trouvaient mâtinés de variantes, petite nuance de tout. Tiendas, cantinas, ruelles, jusqu'aux façades d'immeubles entièrement travesties pour mieux me confondre...

Enfin, après probation, léger délai et moult bières, Mexico se redécouvrit. Comme toi bientôt : tout à fait la même, complètement différente. Sans doute les villes ne se montrent-elles que comme on veut bien les percevoir. Qui se cache derrière notre désir, qui au-delà de nos égos malmenés ? Qu'est-ce qui a changé en nous pour la changer autant ?
C'est que l'esprit lui-même doit s'accorder à la ville, alors je ne suis plus que ce qu'elle veut bien donner et vouloir, le visiteur, appariteur, parasite d'un instant. Quand seront tombés les masques, la ville redevenue celle de toujours, toi l'inconnue, moi le connard, toute magie envolée, il restera un beau néant. Dans cette obscurité nouvelle, peut-être verra-t-on luire quelque espoir ?


Rescue mission 
Comme à l'origine de toutes les grandes défaites, l'intention, n'était pourtant pas si mauvaise. 
Il y avait ce voyage, ce chapeau, ce bar. Deux années peut-être trois depuis que l'un s'était achevé sans l'autre dans le troisième. Désormais, quelque part dans cette ville repose ce trésor, caché dans quelque tripot interlope.
Il n'y a plus qu'à : venir, retrouver, repartir. L'affaire de quelques bières, tout au plus. Mais l'enjeu n'est pas si dérisoire. Derrière l'énigme de ce souvenir enfoui se joue plus que la suite du voyage.


Puis de l'idée à la réalité restent ces quelques centimètres, ceux-là qui si facilement bouchent les ports et changent les existences. Aussi très vite, confondu par la ville, perdu à mon tour, quelque chose d´une transition autrement plus importante se joua là. 
Ne répétais-je pas chaque matin, chaque départ, chaque arrivée, la litanie des objets à ne pas perdre ?
Mais le voyage remettant en cause les prières, les promesses, les convictions, se chargea de solder tout ça. Tu voulais juste passer pour voir, rien risquer ? Voilà qu'il met et remet au tapis la vie, la santé, la mémoire, et le reste.

Trop d'habitude, un instant d’inattention : il suffit de rien.
Au retour à Paris : tête nue et mains vides. Je n'avais plus rien à offrir et ne le savais pas encore...

___
Si les voyages sont la continuité d’une recherche de compréhension de soi, il y a face aux cultures, une certaine confrontation qui brise notre miroir : on ne se voit plus dans l’autre. Et, quand on revient au pays, de nouveaux miroirs se forment mais toujours plus fins et plus fragiles que leur prédécesseur.

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