jeudi 6 août 2015

4U8424, AF53341 & AF50716 - 6 août : longue césure spirale

Courageusement, prendre la fuite. 
A la première occasion la prendre. N'importe quelle porte fera l'affaire. 
Là, on parle du grand est, au-delà du rideau de fer, et je pense tiens, je pense ah, je pense à peine, que c'est trop tard. L'idée du départ a déjà fait sont lit dans les méninges. Bientôt me voilà embarqué, bon gré mal gré, dès le lendemain, c'est plié : l'avion se dresse et file.
Le cahier des charges, faut dire, était fort exigeant : ne plus quitter l'hexagone, se cantonner à la proche nation, rebondir sur les cordes frontières. Ça aura tenu. Un temps. Deux semaines.

Particule indécise, un jour la vie va se rappeler à toi, en bon ou en mauvais, à Mâcon ou à Beauvais. A Toulouse ? Alors que l'avion vient de reposer ses gommes à Orly, une douche est tout ce qui fait défaut à mon extase. De l'eau vive. Un savon. Quoi qu'il advienne, on aura réussi. Réussi à ne pas se rater, trouver le lieu où se dire et faire, la manière de prendre et serrer, faire l'amour, refaire encore.  
Ainsi se consacre le choc après la rencontre des corps. Il suffit d'écrire le principe de conservation de l'énergie. Choc. Les corps échangent ? On ne sait pas. Élastique ? Ça dépend. Bien ? Encore !


Mais partir ! Partir, comme on saute.
Ça va encore. Sauter ne fait que peur.
Mais revenir, comme on retombe au sol ? L'instant de voler est bien court. Dure la chute. Qui saurait, qui voudrait tomber ? Qui ne voudrait pas s'abstenir ? Abstenons-nous.
Comme la petite souris me souffle l'idée, m’insuffle l'envie, discrètement je change de partition. Tente l'esquive. Comme dans un mauvais sketch ce sera : saute par la fenêtre, rentre par la porte. Et plutôt que revenir, à cette occurrence, l'avion -confident opportun- me déporte à l'envie. Alors, comme vol plané, l'errance se prolonge - à pied, en stop, au bord des mers, dans les montagnes...

Le retour vers Paris se fera en lente spirale. Au maximum de finesse, deux belles semaines pour toucher terre, par un avion, par un autre, glitch des villes, des sommets. Suivant tous les souffles, siroccos, pompes thermiques de l'été, se laisser porter un peu, comme ça : hop.


Mais l'inéluctable?, comment sera cette chute ?
Au fil du voyage elle se fait prégnante. Chaque jour cependant subsiste l'émerveillement d'être encore en l'air ; ne pas y penser, entretenir l'hypocrisie... Cependant le sol veille, inévitable. Indicible déception que la gravité, newtonienne ou générale suivant la vitesse atteinte, viendra proclamer tôt ou tard. Au milieu d'un sentier de montagne, quelqu'un a gravé sur une pierre 
\sum{\vec{\mathrm{F}}_i} = m \vec{a}
Malice d'une marmotte savante, randonneur malveillant ? Prémisse de fin, le fondamental de la dynamique me sonne comme une claque. Bientôt perdre de l'altitude, gagner de l'énergie cinétique à ne plus savoir qu'en faire...

Dès le lendemain, sortant de cinq jours sur les beaux sommets de Néouvielle, Gléré, Orédon, l'instant s'annonce. La chute est imminente. Reprenant pied sur une route de col je pose mon sac au sol, lève le pouce, entame sans méfiance le dernier acte. 
Une camionnette s'arrête et me dépose bientôt en fond de vallée, à la croisée des routes. Sainte Marie de Campan - petit village de France. Ses hôtels, son auberge, son bar, son kiosque et sa flopée de cyclistes. Après le sevrage de la marche, entre fatigue et gourmandise, voilà la chair faible et le piège béant. Sans trop y penser je choisis l'auberge, alors tout bascule. 
On m'y sert un menu complètement absurde: florilège de poisons, verre du condamné, potage d'amertume à la sauce vitriol. Un brouet mal décongelé entouré de mauvais pain apparaît sur la table. Garder les yeux. Ouverts ne pas. Tourner de l’œil. Tenir bon pas toucher. 
Le truc rouge posé à table ressemble à une bouteille, l'étiquette comme sentence définitive : 'Origine de la Méditerranée'. Tudieu ! What
Sacrée chute!, tout semblait abject, parfaitement infâme. T'aurais fait quoi, toi ? Sous l’œil vigilant du chef de salle et du cuistot armé, il fallut souper, mastiquer, ingérer ces chefs d’œuvres agro-industriels. Pensant quelque épitaphe à dissimuler dans mon vomi avant de mourir, je me précipitais aux chiottes. Alors sans plus réfléchir coincer. La porte chaise. Sous la fenêtre sauter. Tomber plus encore une voiture.    


J'en réchappais ! Sauter de la voiture. Monter dans un bus.
Voilà Tarbes. Ooooh, Tarbes! Une autre cause d'affliction. Là, ce jour, urbanisme, géographie et ambiance se firent de concert repoussoirs aussi efficaces que le pire bumper du meilleur flipper. Merde. Tiltons pas. Fuir encore.

Le choix s'est alors offert une dernière fois – continuez la chute ou rendez les armes, m'a glissé l'arbitre au comptoir. Le coach, sautait tout autour avec sa serviette : frappe ! Frappe ! Coup pour coup ! 
Uppercut du train vers l'ouest ! Coup de l'avion plein nord ?  
J'ai fini ma bière et sans plus réfléchir me suis couché. Vive la débandade, gloire à la capitulation !

A peu, à rien, à quoi se joue un belle défaite ? 
A quoi ressemble une fuite contrainte à un hexagone de cordes élastiques ? 
Pas causante, la vieille serveuse au bar de l'aéroport a été sympa. Sans répondre elle m'a laissé à la contemplation de la tasse vide. Prestement allumé un cierge pour veiller le cadavre de l'échappée. Chassé tous les prédicateurs et mieux curables qui passaient par là, au retour de Lourdes... 
On a attendu le tout dernier appel, comme ça, pour se laisser une chance, mais comme les vapeurs du vin finissaient  de se dissiper, le retour était déjà avéré.

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C'est affamé et bien gourmand que je me suis posé à votre table pour déjeuner un dimanche de début août, après une longue et belle randonnée.
Grand mal m'en a pris - je suis parti sans finir, terriblement déçu, presque offensé!, par le brouet qui m'a été servi. Je n'irai pas jusqu'à publier un avis négatif sur internet, mais tout de même, étais-ce mon palais ou un sortilège de cuisine?, j'aimerais que vous répondiez à une question : les aiguillettes de canard que vous avez au menu ont-elles jamais été débitées, préparée et cuisinées par vos soins ? Elle goûtaient étrangement le précuit.
Votre salle était cependant belle et typique. L'accueil pas mal. Mais ce plat, le pain qui l'accompagnait, et le vin particulièrement mauvais. Bonne continuation cependant, j'espère que mon message ne vous vexera pas trop. 

2 commentaires:

  1. tes petits billets sont délicieusement délicieux

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  2. Dribble, corner et bim : "Merci de vos commentaires instructifs et non dénué de fondements (...) Nous nous sommes aperçus que la cuisson des aiguillettes à la grillade avait pour effet de les sécher et ne donnait pas le gout que nous désirions."
    Ah mais, que fait l'arbitre ? Quel fondements ? Sécher quoi, l'océan entier ? Mais ce goût salé, là, hein !? Putain. Je dis : putain. Merci pour ce joly mot -

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