lundi 12 août 2013

AF225 - 12 août : rêver peut-être

De nulle part, du milieu du rêve, voilà quelque chose, comme une réminiscence...


Ils sont quatre, cinq peut-être, si on compte le serveur.
Cependant un serveur, ça sert un peu, ça ne compte pas vraiment. Alors quatre ou pas vraiment cinq, dans cette boutique bien dépouillée, d'une rue, d'une ville. Comptoir, congélateur format buffet, 4 chaises et la carte des délices. Au menu : du gulfi sous toutes ses formes. Dedans le gulfi : lait, safran, sucre, pistache, parfums, et du froid!, du sévère ! 

Ainsi quatre, peut-être cinq indiens, dans la pièce, dans la ville, dans l'espace onirique : indianisaient. Mangeant indien. Parlant, peut-être. Discutant quelques indianeries primaires ou d'un autre ordre. 
Puis tout bascule. Rien vu venir ! Soudain l'une, indienne toujours, m'épingle en 6 mots - “what do you like about India ?”.
Cette question ! Mais je sais pas ! Alors c'est tout enfermé que je m'enferme mieux mieux, tout empatouillé que je me rapatouille, trébuchant sur la notion mal fagotée, l'amour mal assumé de cette civilisation...

Ne pas être en Inde
Pour démarrer, il faut une bonne chute. Des personnages, du papier blanc, un stylo, n'importe lequel fera l'affaire. Mais, une bonne chute ! 
Pour la chute, une victime, on doit, il faut. 
Puis il convient de se libérer du reste. La douleur, et tout le reste. S'exempter de toute sujétion. Plus d'être au temps, ni d'être aux autres, juste être, être ailleurs.


Ensuite, compter. Le départ est un espace fini.
Un passeport mesure 32 pages.
1, 2, 3, 4, 5, ...Page 31 : fin des tribulations.
Page 32 ultime espace, dernière chance. Là, il est énoncé qu'en dernier recours :
"Les Français désireux de se fixer à l'étranger peuvent également se mettre en rapport avec le ministère des affaires étrangères pour obtenir des renseignements sur leur futur pays d'accueil."

Pour ce visa l'agent au comptoir, rue du Paradis, demande deux pages. Deux pages libres ? En vis-à-vis, s'il vous plaît. Luxe rare. 
Voudra-t-il d'un visa chinois mal décollé ? Il veut pas. 
L'oblitération du dernier espace est comme une formule magique. Désormais il n'y a plus d'ailleurs. Juste l'ici, et le là-bas. L'Inde ou rien. Un espace contrit, réduit au simple vecteur. Et avec ceci, ce sera tout ? Non. Alors filez ! 
Et ceci, c'était les toutes dernières réminiscences 
du dernier jour, du tout dernier voyage, et de la mer.

Au terme de cet ultime se tient Isabelle. Postée comme vestale, Isabelle standing. Une prêtresse un peu cheap, moins charmante, sans les attraits d’antan. 
Elle dit quoi ? Elle dit que pour terminer, il faut choisir : de ce côté rétablir le contrat, le confort, donner suite logique, pass navigo, éternité et cohérence. De l'autre : la porte, l'inconnu, la page trente trois...

Page 33
A la rentrée les gens va, les gens vont, les gens viennent. De partout.
A la rentrée, le plus souvent, les gens rentrent. L'air de rien.
Incroyable comme c'est soudain, sans appel.
Plus rien dans la rue. Portes closes. 

A la rentrée les gens rentrent. C'est pas le 15 août, hein. On sent bien comme une présence. Ils vont bien, les gens, ou mal, c'est selon, on sait pas dire. Mais ils sont rentrés. 



A la rentrée, Paris n'apparaît plus. Littéralement plus. 
De fait, jetée dans un bac de métol, ni gris ni noir qui surgisse, c'est feuille blanche : la ville n'a pas lieu. 
Elle n'est plus une vérité avérée, la ville.
Elle n'est plus rien, Paris, qu'une simple ville. Que la somme de tous nos songes, de tous nos idéaux. Et les souvenirs... Ceux qu'ont fait, ceux qu'on falsifie, ceux qu'un reflet de la mémoire éclaire d'un faisceau si ténu que le doute bientôt s'impose... Le savais-je, l'ai-je su ? Te connaissais-je, nous connossûmes ? 
Quatrième de couverture, ultime page !

Il y a un an, l'année s'offrait. Vierge, sans réserve : vas-y, marche. Avance ! 
Ne reste désormais que le souvenir d'une année. Ca convulse encore un peu. Presque rien.

Tu fermes les yeux, précipites tout à l'obscénité du néant. 
Délit de fuite, multirécidive de la posture hors champ, 
ingénierie du désengagement émotionnel.



Femme de papier entre les pages du Guide
Oh petite, quel écueil !
Petit bout d'os inconséquent, quart de ligne dans la partition du retour, tu concentres toute frustration... Tu incarnes cette ville qui promet et se refuse. Chatoie dans le reflet de l'oeil, mais n'offre rien, pas même ce corps faible et nu. Ce corps si beau, si admirablement souple. Un corps. Entrelacs de nerfs, empire de douleurs potentielles. 
Il faut voir comme chaque reflet de santé éclatante révèle une promesse de peine à venir ! On jurerait que cette jolie articulation un peu saillante déjà grinçouille... Toi et elle coucherez seules, nuits sans repos. Seule la peine. Seuls tous et chacun, quant à la fin les lumières se rallument.

Oh petite, impossible d'exclure que chaque promesse, chaque faux rendez-vous, est une étape de plus de nos quêtes narcissiques. On rigole, on reporte, aha, ravale cette petite indignation. 

A ce retour, suis-je inquiet ?
Je ne suis pas inquiet.
Alors qu'apparaissent des cas d'immunité -on parle rémissions miraculeuses, résistence méli-mélo, étanchéité aux salamalecs- il devient urgent de trouver la parade. De se recombiner.

Rentrée un tantinet dépressivante ?
Réminiscences incongrues ?
Fin d' une ou de l'histoire ?
Changement de cap ou pas cap ?
La guerre aura-t-elle lieu ?

Toi petite, tu m'échappes, et ça et là d'autres comme toi.
Je ne suis pas inquiet. 
Confiant malgré l'incision plus incisive, le verbe moins franc, le regard un peu dessous, comme presque honnête. La faillite est bien là, ainsi qu'une espèce de résolution semi-molle à laisser fuser, prendre mal, échouer bel et bien, bientôt repartir tout claudiquant. Pas inquiet.



Alors quoi ? Restent les mots. Gerbe de mots !
Alors quoi !
Un lundi matin, douze août !
Un lundi matin, écrire.
Un lundi matin moi, ma tronche, ma chemise pas au top mais bon, volons plein ouest : l'Inde c'était bien, l'Inde c'est terminé, pour le moment. Ramenant en trophée un passeport complètement rempli, le dernier tampon dans le dernier coin a scellé son sort au voyageur boulimique. 
Bon pour le rebut. 
Et son maître, idem, même rebut, au coin des sans but, échéance parisienne, sa bière fraîche et ce qu'il lui reste de gens, de jambes, de rires et tout ça.
Rentrons à Paris, tu veux ? Clef dans la serrure, petit ménage, sac lessive re-sac et avion dans la foulée. Petits vols inconséquents, comme ces derniers pas pointillés, à la sortie du stade. 

Alors quoi... 
Ajoutons des mots aux mots, du combustible au foyer, allons, soyons pas bégueules, tant qu'il y a du jouir à le faire, en l'absence de déflagration - tentons !
Il y a encore pléthore de mots, de noms, de notions, et même que, un nouveau carnet pour recevoir le tout, engranger et mélanger comme la fumée les corps dans les holocaustes le long du Gange.
...Pis à la fin on va se poser disait la fin
...Penser écrire, écrire aussi, bander toujours, surtout le corps traumatisé par ces sauts aériens, mais bander vain, bander vilain !
Devenir tout entier cette érection.
Devenir ce que tu es.
Le double, et plus.

Impasse de la sagesse
Comme j'allais passant nonchalamment passant, une vache devant, une vache derrière, quelques chalands tout autour, le sâdhu m'a causé. 
Sachez distinguer un homme d'un autre homme, il a dit. 
Sachez distinguer un homme d'une femme, d'une autre solitude. 
Il faut réciter. D'abord la série du nombre 1. Le froid. 
Ensuite le nombre 1. Jusqu'à la fin. 1, toujours.
Distinguer de l'autre femme. Du chaos alentour. Quand tous se penchent alors nos têtes se touchent. L'espace d'un instant : 1, encore.
Pour finir, continue dans ton dédale. Prends ces formules, va, et perds-toi ! 


Extinction du phare. 
La brume monte, on ne distingue plus si le cœur s'emballe ou tourne au ralenti, les deux à la fois peut-être. Don d'ubiquité du cœur. Il faut s’amarrer pour ce qu'il reste de nuit, fermer les yeux sur nos marées intérieures, laisser travailler leur magnétisme secret, 
up and down, up and down, up and down...
____
Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul, est nombreux, est une prolifération de soi-mêmes. C'est pourquoi l'être qui dédaigne l'air ambiant n'est pas le même que celui qui le savoure ou qui en souffre. Il y a des gens d'espèces bien différentes dans la vaste colonie de notre être, qui penses et sentent différemment

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